L’œuvre de Diane Gougeon utilise la technologie pour créer des expériences qui repoussent, de manière perceptuelle, optique ou sensorielle, les limites de la salle d’exposition. Par des dispositifs qui permettent au spectateur de marquer un temps d’arrêt, elle questionne notre façon d’être présent dans le monde et particulièrement le rapport ambivalent que l’usage des technologies induit dans notre compréhension et notre représentation de la nature.

L’artiste observe les impacts de l’intervention humaine sur le paysage, le territoire et les écosystèmes, notamment par des œuvres qui exploitent des éléments iconographiques tirés du monde naturel ou encore qui en recréent de toutes pièces les manifestations (glace, arc-en-ciel, etc.). Cet usage des matériaux est mis en tension avec une sorte de révérence pour la capacité de la nature à s’auto-générer ; l’extraction des éléments naturels de leurs contextes d’origine s’accomplit toujours en prenant le parti de ne pas forcer ceux-ci à adopter des formes qui ne seraient pas les leurs. Néanmoins, l’artiste s’intéresse aux motifs et aux textures qui s’en dégagent et qui, tout en contribuant à un vocabulaire formel, ont le potentiel d’induire une réaction (haptique, optique, kinesthésique) chez le spectateur.

Le travail de Diane Gougeon se développe le plus souvent in situ, en réponse aux conditions spécifiques des lieux investis et tire profit autant des espaces d’expositions que d’endroits traditionnellement non-destinés à l’art, comme des bâtiments publics, bureaux et jardins. Dans leurs dimensions conceptuelles autant que dans leurs mécanismes de mise en exposition, les installations de Gougeon questionnent aussi la dichotomie entre l’intérieur et l’extérieur. Si, d’une part, les œuvres s’inscrivent parfois dans des sites où le monde naturel et celui habité par l’humain cohabitent, il y a également dans les présentations en galerie une volonté de faire advenir un moment déterminé, où la médiation de la nature par la technologie ouvre une fenêtre sur un autre espace-temps, ni ici ni totalement ailleurs.  Cela est propice à l’accomplissement d’une expérience « qualitativement différente », pour reprendre les mots de l’artiste, où le spectateur occupe une place centrale.

Marie-Pier Bocquet